Bookshelf

Le sommeil humain se produit avec une périodicité circadienne (circa = environ, etdia = jour), et les biologistes intéressés par les rythmes circadiens ont exploré un certain nombre de questions sur ce cycle quotidien. Que se passe-t-il, par exemple, lorsqu’on empêche les individus de percevoir les indices qu’ils ont normalement sur la nuit et le jour ? On a répondu à cette question en plaçant des volontaires dans un environnement (des grottes ou des bunkers ont parfois été utilisés) dépourvu de repères temporels externes (figure 28.3). Pendant une période d’acclimatation de cinq jours comprenant des interactions sociales, des repas à des heures normales et des repères temporels (radio, télévision), les sujets se sont levés et couchés aux heures habituelles et ont conservé un rythme veille-sommeil de 24 heures. Cependant, après la suppression de ces repères, les sujets se sont réveillés plus tard chaque jour, et le cycle de sommeil et d’éveil s’est progressivement allongé pour atteindre environ 28 heures au lieu des 24 heures normales. Lorsque les volontaires ont été replacés dans un environnement normal, le cycle de 24 heures a été rapidement rétabli. Ainsi, les humains (et de nombreux autres animaux ; voir encadré B) possèdent une « horloge » interne qui continue à fonctionner en l’absence de toute information externe sur l’heure du jour ; dans ces conditions, on dit que l’horloge est « libre ».

Figure 28.3. Rythme d'éveil (lignes bleues) et de sommeil (lignes rouges) d'un volontaire dans une chambre d'isolement avec et sans repères sur le cycle jour-nuit.

Figure 28.3

Rythme d’éveil (lignes bleues) et de sommeil (lignes rouges) d’un volontaire dans une chambre d’isolement avec et sans repères sur le cycle jour-nuit.Les chiffres représentent la moyenne ± l’écart-type d’un cycle complet d’éveil/sommeil pendant chaque période (plus…)

Boîte Icon

Boîte B

Mécanismes moléculaires des horloges biologiques.

Presumément, les horloges circadiennes ont évolué pour maintenir des périodes appropriées de sommeil et d’éveil malgré la quantité variable de lumière du jour et d’obscurité à différentes saisons et à différents endroits de la planète. Pour synchroniser les processus physiologiques avec le cycle jour-nuit (appelé photoentraînement), l’horloge biologique doit détecter les baisses de luminosité à l’approche de la nuit. Les récepteurs qui détectent ces changements de lumière se trouvent, comme on pouvait s’y attendre, dans la couche nucléaire externe de la rétine ; bien que l’ablation de l’œil abolisse le photoentraînement. Les détecteurs ne sont cependant pas les bâtonnets ou les cônes. Ces cellules mal connues se trouvent plutôt dans les couches des cellules ganglionnaires et amacrines des rétines des primates et des murins, et se projettent vers le noyau suprachiasmatique (NSC) de l’hypothalamus, le site du contrôle circadien des fonctions homéostatiques en général (figure 28.4A). Ces photorécepteurs rétiniens particuliers contiennent un nouveau photopigment appelé mélanopsine. La preuve la plus convaincante du rôle du NSC en tant qu’horloge biologique maîtresse est sans doute que son ablation chez les animaux de laboratoire abolit leur rythme circadien de sommeil et d’éveil. Le SCN régit également d’autres fonctions qui sont synchronisées avec le cycle veille-sommeil, notamment la température corporelle (voir figure 28.3), la sécrétion d’hormones, la production d’urine et les variations de la pression artérielle. Les mécanismes cellulaires du contrôle circadien sont résumés dans l’encadré B.

Figure 28.4. Fondements anatomiques des rythmes circadiens.

Figure 28.4

Fondements anatomiques des rythmes circadiens. (A) L’hypothalamus,montrant l’emplacement du noyau suprachiasmatique (NSC), qui chez les mammifères est la principale « horloge biologique ». Le nom « suprachiasmatique » dérive de (suite…)

L’activation du noyau suprachiasmatique évoque des réponses dans les neurones dont les axones descendent vers les neurones sympathiques préganglionnaires de la corne latérale de la moelle épinière (figure 28.4B). Ces cellules, à leur tour, modulent les neurones des ganglions cervicaux supérieurs dont les axones postganglionnaires se projettent vers la glande pinéale (pinéale signifie en forme de pomme de pin) située sur la ligne médiane près du thalamus dorsal. La glande pinéale synthétise la mélatonine (N-acétyl-5-méthoxytryptamine), neurohormone favorisant le sommeil, à partir du tryptophane, et la sécrète dans la circulation sanguine pour aider à moduler les circuits du tronc cérébral qui régissent finalement le cycle veille-sommeil (voir p. 615 et suivantes). Comme on pouvait s’y attendre, la synthèse de la mélatonine augmente à mesure que la lumière diminue et atteint son niveau maximal entre 2 et 4 heures du matin. Chez les personnes âgées, la glande pinéale se calcifie et la production de mélatonine diminue, ce qui explique peut-être pourquoi les personnes âgées dorment moins longtemps et sont plus souvent atteintes d’insomnie.

Laisser un commentaire