Introduction : La catatonie de l’enfant et de l’adolescent a été peu étudiée. De plus, les critères de diagnostic n’existent que pour la psychiatrie adulte, et il n’y a pas de directives thérapeutiques. L’objectif de cet article est de décrire le cas d’une jeune fille de 14 ans présentant un chevauchement entre une catatonie psychogène et une catatonie induite par les neuroleptiques, le traitement aigu et le suivi à dix ans.
Rapport de cas : Une jeune fille française caucasienne de 14 ans, Elsa, a été admise en février 1998 dans un centre universitaire de santé mentale pour adolescents avec un trouble psychotique aigu. Elle présentait une agitation, une impulsivité (engagement soudain dans un comportement inapproprié), un délire paranoïaque, des hallucinations visuelles et auditives, une incontinence urinaire diurne et nocturne, un manque de soins personnels, une prise alimentaire inadéquate par peur d’empoisonnement et des vomissements après les repas entraînant une perte de poids rapide de 5 kg. L’examen clinique, les tests de laboratoire, l’EEG et l’IRM étaient normaux. Les tests toxicologiques étaient négatifs. Son QI, évalué six mois avant l’admission, se situait dans la moyenne terne (70-75). Elsa a été traitée avec de la loxapine 150 mg par jour pendant une semaine sans amélioration, puis ce traitement a été remplacé par de l’halopéridol 30 mg par jour. Une semaine après le début de l’halopéridol, son agitation, son impulsivité et ses symptômes hallucinatoires ont diminué. Vingt-quatre jours après l’introduction de la loxapine et 17 jours après l’halopéridol, son état s’est rapidement détérioré en moins de 48 heures. Elle a présenté une immobilité, une réponse minimale aux stimuli, un regard fixe et une catalepsie avec une flexibilité cireuse. Le diagnostic de catatonie a été établi. L’examen a révélé des extrémités tremblantes, une tachychardie (110 pm) et une apyrexie. Le taux de créatine phosphokinase était de 106 UI/l (plage normale de 0 à 250). Les sérologies du virus de l’immunodéficience humaine, de l’hépatite, de la listéria et de Lyme étaient négatives. L’analyse du liquide céphalo-rachidien était normale. L’halopéridol a été arrêté et on a commencé à administrer 5mg/kg de clonazépam par voie intraveineuse. Il n’a pas été possible d’obtenir le consentement signé des deux parents pour la thérapie électroconvulsive. Le patient a été transféré dans une unité de soins intensifs pédiatriques. Le traitement était une nutrition parentérale standard, des soins infirmiers, du clonazépam 0,05 mg/kg par voie intraveineuse, avec la présence régulière d’un pédopsychiatre. Elsa est restée trois semaines dans cet état. Elle a alors commencé à remarquer le pédopsychiatre, et quelques jours plus tard, elle était capable d’exécuter des demandes simples. Elsa a été transférée dans une unité psychiatrique pour adolescents. Dès qu’elle a pu à nouveau manger seule, on a commencé à lui administrer 400 mg de carbamazépine par jour. Son agitation a diminué à un niveau de carbamazépine de 7 mg/l. Un mois plus tard, son état était stable. Cependant, les difficultés de langage ont persisté pendant six mois supplémentaires. Un an après l’épisode, elle a obtenu un score de 66 à un nouveau test de QI et son RMI était normal. Elle ne présentait aucun symptôme résiduel significatif, à l’exception de quelques troubles cognitifs. Elle s’est intégrée dans un établissement d’éducation spécialisée. Ces tentatives d’arrêt de la carbamazépine ont été suivies d’une humeur dépressive, d’agressivité et d’impulsivité ; la carbamazépine a finalement été arrêtée avec succès après sept ans. Dix ans plus tard, Elsa est la mère de deux jeunes enfants et est capable de s’occuper d’eux. Elle n’a jamais eu de rechute de son trouble psychotique ou de son état catatonique.
Discussion : Le diagnostic étiopathogénique est problématique. Certains indices dans l’histoire familiale peuvent suggérer un événement traumatique. Mais un à l’amnésie résiduelle totale il n’a jamais été confirmé, et les catatonies traumatiques sont extrêmement rares. Des taux de CPK normaux, avec des troubles autonomes limités à la tachycardie et l’absence de résolution après l’arrêt de la médication, plaident contre un diagnostic de syndrome malin des neuroleptiques (SMN). Mais les taux de CPK ne sont pas spécifiques, et des SMN sans pyrexie ont été décrits. La survenue du syndrome catatonique 21 jours après la première dose d’un neuroleptique pourrait être diagnostique. Dans ce cas, il s’agissait d’une psychose catatonique non organique suivie d’une catatonie induite par un neuroleptique. La catatonie est décrite comme un facteur de risque pour le développement du SMN et certains considèrent le SMN comme une variante de la catatonie maligne. L’intérêt de ce rapport est (1) qu’il renforce la nécessité d’être prudent avant de prescrire des neuroleptiques chez des adolescents présentant des symptômes de catatonie ; (2) la guérison complète de la catatonie après un traitement par soins intensifs et plus de trois semaines de clonazépam intraveineux sans recours à l’ECT et (3) l’efficacité de la carbamazépine sur une longue période de suivi. Bien que des essais sur la carbamazépine dans la catatonie soient publiés, il n’y a pas de données disponibles pour le contrôle des symptômes résiduels ou le pronostic à long terme, en particulier en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.