Cholangite aiguë

Introduction

La cholangite aiguë (alias cholangite ascendante) est une infection de l’arbre biliaire causée par la combinaison d’une obstruction de l’écoulement biliaire et d’une infection biliaire1.

C’est une affection peu fréquente (1 % des patients atteints de calculs biliaires) mais qui met en jeu le pronostic vital avec un taux de mortalité compris entre 17 et 40 %. La cholangite a une répartition égale entre les sexes, et l’âge médian de présentation est de 50-60 ans2.

Étiologie

Anatomie du système biliaire 3

La vésicule biliaire est un organe intrapéritonéal en forme de poire qui se trouve dans l’hypochondre droit (quadrant supérieur droit).

La fonction principale de la vésicule biliaire est de stocker la bile.

L’arbre biliaire est le système de conduits qui transporte la bile (synthétisée par les hépatocytes) vers la vésicule biliaire pour son stockage, puis vers le duodénum.

Les conduits commencent dans le parenchyme hépatique jusqu’à la formation des canaux hépatiques droit et gauche (qui drainent la bile des lobes gauche et droit du foie). Ces deux canaux s’anastomosent ensuite pour former le canal hépatique commun.

Le canal qui naît de la vésicule biliaire est appelé canal cystique. Le canal cystique rejoint le canal hépatique en formant le canal biliaire commun (CBD) qui entre ensuite dans le pancréas.

Dans la tête du pancréas, le canal biliaire commun et le canal pancréatique se rejoignent pour former l’ampoule de Vater, qui se déverse dans la partie descendante du duodénum via la papille duodénale majeure (contrôlée par le sphincter d’Oddi, une valve musculaire).

Figure 1. Anatomie du système biliaire.7

Pathophysiologie

La cholangite est causée par la combinaison d’une obstruction de l’écoulement biliaire et d’une infection biliaire.

Lorsque le système biliaire est obstrué, le mouvement de la bile ralentit ou s’arrête. Lorsque la bile reste trop longtemps dans la vésicule biliaire, les particules qu’elle contient commencent à précipiter, ce qui entraîne un épaississement de la bile (appelé boue biliaire). Les boues biliaires constituent un milieu de croissance idéal pour les bactéries (généralement E. coli, Klebsiella et Enterococcus).

La pression à l’intérieur du système biliaire augmente également en raison de l’obstruction, ce qui accroît le risque de translocation bactérienne dans la circulation sanguine, entraînant une septicémie biliaire.

Facteurs de risque

Les facteurs de risque pour le développement d’une cholangite comprennent :1,2,8

  • Maladie de calcul (par ex.par exemple, le syndrome de Mirizzi : lorsqu’une vésicule biliaire contenant des calculs comprime de manière extrinsèque le canal cholédoque ; cholédocholithiase : calculs biliaires dans le canal cholédoque).
  • Lésion biliaire iatrogène (par ex. lors d’une cholécystectomie ou d’une CPRE)
  • Tumeurs (pancréatiques, cholangiocarcinome, hépatiques)
  • Cholangite sclérosante (primaire et secondaire)
  • Restrictions biliaires (bénignes ou malignes)
  • Infections parasitaires (ascaris, douve du foie)

Caractéristiques cliniques

Histoire1,8

Les symptômes typiques de la cholangite comprennent :

  • Fièvre
  • Douleur du quadrant supérieur droit (QIS)
  • Jaunisse

Les autres symptômes comprennent le prurit (démangeaisons), des selles pâles, des urines foncées et des nausées/vomissements.

Il est également important de s’enquérir des antécédents de calculs biliaires et de toute intervention biliaire récente (par exemple, une CPRE).

Triade de Charcot

L’association d’une fièvre, d’une douleur du quadrant supérieur droit et d’un ictère est connue sous le nom de triade de Charcot.

Examen clinique1,8

Un examen abdominal complet doit être effectué. Un ensemble d’observations de base devrait également être disponible.

Les observations cliniques typiques de la cholangite comprennent :

  • Fièvre
  • Jaunisse
  • Sensibilité du quadrant supérieur droit

Des signes d’une infection systémique peuvent également être présents, notamment :

  • Rigosités
  • Hypotension
  • Confusion
  • Tachycardie
Pentade de Raynaud

La présence d’hypotension et de confusion aux côtés des caractéristiques de la triade de Charcot peut être désignée sous le nom de pentade de Raynaud.

Les patients présentant des signes d’infection systémique ont généralement un moins bon pronostic.

Les signes de péritonisme ne sont pas typiques de la cholangite. Par conséquent, si le péritonisme est présent, un autre diagnostic doit être envisagé. Il est également essentiel de considérer et de prendre en charge de manière appropriée la cause sous-jacente qui a conduit au développement de la cholangite (par exemple, les calculs biliaires).

Diagnostics différentiels

La douleur du quadrant supérieur droit/de l’abdomen supérieur avec ictère et fièvre a un large diagnostic différentiel, incluant :1,2,8

  • Hépatite
  • Accès hépatique
  • Pancréatite
  • Syndrome de Mirizzi
  • Syndrome de Gilbert
  • Ulcère gastroduodénal

La cholangite peut présenter des caractéristiques cliniques similaires à d’autres affections biliaires. Le tableau ci-dessous distingue les caractéristiques typiques des coliques biliaires, des cholécystites et des cholangites.

Tableau 1. Différences entre colique biliaire, cholécystite et cholangite.

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Colique biliaire Cholécystite Cholangite

Douleurs du QR

Fièvre

Jaunisse

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La colique biliaire est causée par un calcul impacté au niveau du collet de la vésicule biliaire et se présente typiquement avec des douleurs abdominales crampes en l’absence de caractéristiques infectieuses (ex.fièvre/élevation des marqueurs inflammatoires). La colique biliaire est typiquement déclenchée par la consommation d’aliments gras.

La cholécystite se présente typiquement avec une douleur constante au RUQ, de la fièvre et des marqueurs inflammatoires élevés. Cependant, l’ictère est absent dans la plupart des cas car il n’y a pas d’obstruction biliaire associée (sauf si la vésicule biliaire comprime le canal biliaire commun, comme dans le syndrome de Mirizzi).

Examens

Examens au chevet du patient

Les examens pertinents au chevet du patient comprennent :

  • ECG : doit être réalisé chez tous les patients en état de malaise aigu
  • Gaz du sang : peuvent montrer un taux élevé de lactate et une acidose métabolique

Examens de laboratoire1,2,8

Les examens de laboratoire pertinents comprennent:

  • NFS : un taux élevé de globules blancs suggère une infection
  • U&Es : un taux élevé d’urée et de créatinine peut indiquer un dysfonctionnement des organes systémiques
  • LFTs : déréglées, bilirubine élevée, ALP et/ou GGT élevées (schéma obstructif)
  • CRP : élevée suggérant un processus inflammatoire
  • Cultures sanguines : doivent être réalisées idéalement avant le début de l’antibiothérapie
  • Profil de coagulation : celui-ci peut être déréglé en cas de maladie hépatique et de maladie biliaire obstructive, nécessitant une correction avant les interventions
  • Amylase : cela peut indiquer une pancréatite liée aux calculs

Imagerie1,8

Échographie transabdominale (US)

Une échographie transabdominale peut montrer des preuves de calculs biliaires/CBD et un canal biliaire commun dilaté.

Tomographie abdominale

Une tomographie abdominale avec contraste est généralement utilisée si l’échographie est négative et qu’il y a une forte suspicion clinique de cholangite. Il faut noter que les calculs biliaires non calcifiés ne seront pas visibles sur le CT (alors que les autres caractéristiques de la cholangite le seront, comme la dilatation des voies biliaires).

Si la cholangite s’est développée secondairement à une malignité (par ex. cancer du pancréas), une tomodensitométrie peut être utile pour évaluer la tumeur primaire et identifier des signes de propagation métastatique.

Cholangiopancréatographie par résonance magnétique (MRCP)

Une MRCP est une IRM biliaire dédiée qui peut produire des reconstructions bidimensionnelles/tridimensionnelles très détaillées de l’arbre biliaire, aidant au diagnostic (par ex.par exemple, identifier les calculs biliaires non calcifiés) et aider à la planification du traitement.

Cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique (ERCP)

L’ERCP est l’investigation et l’intervention de référence pour la cholangite aiguë.

L’ERCP implique le passage d’un endoscope dans la deuxième partie du duodénum et la canulation de l’ampoule. L’ERCP peut déterminer la cause sous-jacente de la cholangite et peut également être thérapeutique, par le biais de l’extraction de calculs et/ou de la pose d’une endoprothèse.

Cependant, l’ERCP est invasive et comporte donc beaucoup plus de risques que les modalités d’imagerie mentionnées ci-dessus. Par conséquent, elle est souvent précédée d’une CPRM lorsqu’elle est disponible.

Les complications de la CPRE comprennent la pancréatite aiguë et les hémorragies graves. Le taux de complication de la CPRE est d’environ 2 à 3 %.

La cholangiographie transhépatique percutanée (CTP)

La CTP est généralement associée à la pose d’un drain biliaire et est discutée dans la section sur la prise en charge.

L’échographie endoscopique (EUS)

L’EUS est généralement moins facilement disponible que l’US transabdominale, la CT, la MRCP et l’ERCP. Elle peut être utile pour détecter des calculs biliaires plus petits (microlithiase) ou des boues biliaires lorsque les autres examens sont négatifs.

Diagnostic

Les directives de Tokyo pour la cholangite aiguë (2018) sont utilisées chez les patients se présentant avec une suspicion de cholangite aiguë pour guider à la fois le diagnostic et la prise en charge (par ex.par exemple, le moment et la nécessité d’un drainage biliaire et de soins de soutien).4

Prise en charge

Immédiate1,8

Les patients qui présentent une septicémie doivent être pris en charge selon une approche ABCDE. Cela implique généralement de l’oxygène supplémentaire, des fluides intraveineux et des antibiotiques intraveineux à large spectre (selon les directives locales).

Le paquet sepsis 6 doit être commencé dès que possible avec des antibiotiques administrés dans l’heure qui suit la présentation.5

Décompression biliaire non chirurgicale1,8

ERCP ± sphinctérotomie ± pose d’une endoprothèse de drainage

C’est l’intervention de première intention chez tous les patients atteints de cholangite. Une sphinctérotomie consiste à inciser le sphincter d’Oddi, où le système biliaire rejoint le duodénum. Cela facilite le drainage et le passage d’éventuels calculs du CBD.

Cholangiographie transhépatique percutanée (PTC) et drainage biliaire transhépatique percutané (PTBD)

La PTC est envisagée si le patient est trop souffrant pour une CPRE ou si la CPRE est un échec.

La PTC permet de placer un drain biliaire (PTBD) pour décompresser l’arbre biliaire par le haut. Cette opération est réalisée en faisant passer une aiguille à travers la peau et dans les voies biliaires. Elle a plus de chances de réussir lorsque les voies biliaires intrahépatiques sont suffisamment dilatées. Un produit de contraste est injecté et l’anatomie de l’arbre biliaire est définie. Un drain (le PTBD) peut alors être inséré et fixé à la peau.

Décompression biliaire chirurgicale1,8

Les méthodes chirurgicales d’urgence de décompression biliaire sont utilisées en dernier recours chez les patients atteints de cholangite.

Les méthodes d’intervention non chirurgicales sont préférées car elles présentent un rapport risques/bénéfices supérieur.6

Si des méthodes chirurgicales doivent être utilisées, elles sont généralement réalisées par laparoscopie. Les options comprennent :

  • Cholédochotomie laparoscopique avec mise en place d’un tube en T : le CBD est ouvert et un tube de drainage est inséré et laissé en place.
  • Cholécystectomie et exploration du CBD

Si une chirurgie définitive pour une tumeur obstructive est nécessaire, elle est généralement différée jusqu’à ce que la cholangite aiguë ait été prise en charge et que le patient soit stabilisé (par exemple, hémodynamiquement stable avec une amélioration de l’ictère).

Complications

Les complications de la cholangite peuvent inclure :1

  • Pancréatite aiguë : Les calculs dans le canal biliaire commun distal provoquant une cholangite peuvent également entraîner une obstruction du canal pancréatique
  • Drainage biliaire inadéquat à la suite d’une endoscopie, d’une radiologie ou d’une chirurgie
  • Formation d’un abcès hépatique

Les complications d’une intervention chirurgicale peuvent inclure :

  • Infection
  • Saignement
  • Dommages à d’autres structures locales (par ex.par exemple, les nerfs, le système vasculaire)

Pronostic

Chez la plupart des patients, lorsqu’un drainage biliaire adéquat est réalisé, il y a généralement une amélioration clinique marquée.1

Le taux de mortalité est d’environ 17-40% en fonction de l’âge et des autres comorbidités.2

Les facteurs qui aggravent le pronostic comprennent :

  • Des comorbidités importantes (par ex. maladie rénale chronique, maladie hépatique)
  • Décompression biliaire retardée
  • Age avancé

Points clés

  • La cholangite aiguë/ascendante est une infection de l’arbre biliaire causée par la combinaison d’une obstruction de l’écoulement biliaire et d’une infection biliaire.
  • Les causes de la cholangite comprennent la maladie des calculs biliaires, les lésions biliaires iatrogènes, les tumeurs, les sténoses et les infections parasitaires.
  • Les symptômes typiques de la cholangite comprennent la fièvre, la douleur du quadrant supérieur droit et la jaunisse (triade de Charcot)
  • Les signes d’une infection systémique peuvent être présents, notamment la rigidité, l’hypotension, la confusion et la tachycardie.
  • Lorsque l’hypotension et la confusion sont présentes en même temps que la triade de Charcot, on parle de pentade de Reynaud.
  • L’échographie transabdominale peut montrer des signes de calculs biliaires avec un CBD dilaté.
  • L’investigation de référence et l’option de gestion est la CPRE.
  • Les méthodes chirurgicales d’urgence sont utilisées en dernier recours chez les patients atteints de cholangite car ces patients ont un risque plus élevé de morbidité chirurgicale.
  • Les complications peuvent inclure une pancréatite aiguë, la formation d’un abcès hépatique, une infection accablante et des saignements.
  • Le taux de mortalité est d’environ 17-40% en fonction de l’âge et des autres comorbidités.

Réviseur

M. Christopher Hadjittofi

Régistraire en chirurgie générale

Rédacteur

Dr Chris Jefferies

  1. BMJ Meilleure pratique. Cholangite aiguë – Symptômes, diagnostic et traitement | BMJ Best Practice. Disponible à partir de :
  2. Knott, D., Cholangitis. Qu’est-ce que la cholangite ? Maladie de la vésicule biliaire. Patient.info. Disponible à partir de :
  3. Drake, R., Vogl, A. et Mitchell, A., 2010. L’anatomie de Gray pour les étudiants. 2e éd. Londres : Elsevier, pp.319, 323.
  4. Mdcalc.com. n.d. Tokyo Guidelines For Acute Cholangitis 2018 – Mdcalc. Disponible à partir de :
  5. 2014. Sepsis. Collège royal de médecine d’urgence, The UK Sepsis Trust. Disponible à l’adresse suivante :
  6. Mukai S, Itoi T, Baron TH, et al. Indications et techniques du drainage biliaire pour la cholangite aiguë dans les lignes directrices actualisées de Tokyo 2018. J Hepatobiliary Pancreat Sci. 2017 Oct;24(10):537-49.
  7. Vishnu2011. Anatomie du système biliaire. Licence : . Disponible sur :
  8. Kumar, P. et Clark, M., 2009. Médecine clinique de Kumar et Clark. 7th ed. Saunders Elsevier, p. 326-327, 368-372.

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