Au même moment, André prenait conscience que son cancer de la prostate était récurrent. Son taux de PSA avait augmenté ; on parlait d’un essai clinique. Cette menace mortelle devait sûrement le faire réfléchir. Face à une telle menace, comment pourrait-il s’attaquer à la logistique d’un spectacle exigeant ou rassembler l’adrénaline et la concentration nécessaires ? Mettre en avant un handicap physique dans l’arène hautement compétitive de la musique classique demande du cran ; jouer avec une maladie invisible me semblait encore plus terrifiant.
Au début du mois de mars, André et sa femme ont décidé de se rendre en voiture plutôt qu’en avion à Atlanta en raison de la menace du coronavirus. Deux semaines plus tard, ils ont appris que les concerts avaient été annulés. Déçus, mais pas surpris, ils se consolent en se disant qu’André sera libéré pour commencer ses traitements contre le cancer plus tôt que prévu. Ils pensent qu’il pourra peut-être jouer pendant son traitement, si les concerts sont reportés. Alors que les misères de la pandémie se multipliaient, ils m’ont envoyé la photo d’un étourneau unijambiste qui traînait autour de leurs mangeoires à oiseaux et qui leur servait d' »inspiration quotidienne ».
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« Les mélodies entendues sont douces, mais celles qui ne sont pas entendues sont plus douces » : Les mots de John Keats n’ont guère servi de récompense, car j’ai supposé que le public de ces concerts annulés aurait probablement pris la pleine mesure du courage d’André. Car bien qu’il soit » plutôt privé » dans sa vie personnelle, André a expliqué : » Quand je suis sur scène, je ne cache rien. «
Lentement, alors que les ravages de la pandémie se faisaient sentir, la signification de la persévérance d’André m’est apparue. Il était déterminé à faire ce qu’il aimait tant qu’il pouvait encore le faire. En tant qu’artiste accompli, ce qu’il pouvait encore faire – et peut-être mieux qu’à n’importe quel moment de sa vie – c’était exprimer l’incongruité sonore entre « vouloir » et « être » qui perturbe tant de personnes aux prises avec des dommages visibles et invisibles… surtout en cette période de crise nationale, où beaucoup de gens ne peuvent pas faire ce qu’ils aiment. Le fait de réfléchir aux efforts qu’André a dû déployer pour faire ce qu’il fait si brillamment me met en confiance, tout comme sa volonté d’imaginer reprendre ses efforts après que le coronavirus ait finalement suivi son cours effroyable.
Le comportement résolu d’André reflète une perspective qu’il a cultivée tout au long de sa vie. Lorsqu’on l’interroge sur les dommages de la discrimination raciale, par exemple, il mentionne généralement qu’en tant que personne mi-noire, mi-blanche, il a déterminé « de ne pas utiliser un quelconque préjugé racial réel ou perçu comme une excuse pour ne pas « aller de l’avant » dans tout ce que je voulais faire. » Il prend courage de ses prédécesseurs dans la musique classique – Marian Anderson, William Warfield, Leontyne Price – et de la réalisation que « la phrase « la vie n’est pas juste » est vraie pour chaque être humain. »
En 1987, lors d’une apparition dans « Mister Rogers’ Neighborhood », André a expliqué que pendant les périodes de malheur « aller au piano et juste jouer doucement et écouter les sons fait que tout va lentement bien ». Il a assuré aux enfants de son public que « chaque fois que vous faites une erreur … vous apprenez en fait plus sur ce morceau de musique ou cet endroit dans le morceau de musique. »
Le conseil d’André aux élèves plus âgés clarifie également sa réponse à l’adversité. Les meilleurs musiciens, affirme-t-il, « s’efforcent de vivre et de grandir en tant qu’eux-mêmes tout en cultivant la compassion pour tous les autres êtres humains. » Il est devenu, sans conteste, un parfait exemple de cet effort.
Susan Gubar, qui lutte contre un cancer de l’ovaire depuis 2008, est professeur émérite d’anglais à l’université de l’Indiana. Son dernier livre s’intitule « Late-Life Love ».