Christopher Clavius
Christopher Clavius (1537-1612)
On ne sait rien des débuts de Clavius, si ce n’est qu’il est né à Bamberg, dans la région allemande. Nous ne connaissons même pas son nom allemand, bien que diverses possibilités aient été suggérées. Clavius a grandi pendant les premières étapes de la Réforme protestante dans une région d’Allemagne, la Franconie, qui est restée catholique. Trois ans après sa naissance, Ignace de Loyola a fondé l’ordre des Jésuites avec dix membres initiaux ; ses effectifs atteignaient environ mille membres en 1555, lorsque Clavius a été admis dans l’ordre à Rome, un mois avant son dix-septième anniversaire. En 1556, il fut envoyé à l’université de Coimbra au Portugal, où les jésuites avaient fondé leur propre collège. Il y suit le cursus universitaire normal mais excelle dans les matières mathématiques, et son observation de l’éclipse totale de soleil de 1560 lui fait décider que l’astronomie sera l’œuvre de sa vie. En 1560, il retourne à Rome et commence ses études de théologie au Collegio Romano. Il est ordonné en 1564 alors qu’il poursuit encore ses études de théologie. En 1575, il devient membre à part entière de l’ordre. Il commence à enseigner les matières mathématiques au collège dès 1564 et, à l’exception d’un séjour de deux ans à Naples, il fait partie du corps enseignant du Collegio Romano jusqu’à sa mort en 1612.
Dans ses livres d’astronomie, Clavius s’est opposé au système copernicien pour des raisons à la fois physiques et scripturaires. Jusqu’à la fin de sa vie, il est resté un adepte du système ptolémaïque. Depuis ses études universitaires, Galilée connaissait les livres de Clavius, et il rendit visite à l’homme célèbre lors de son premier voyage à Rome en 1587. Par la suite, ils ont correspondu de temps en temps sur des problèmes mathématiques, et Clavius a envoyé à Galilée des copies de ses livres au fur et à mesure de leur parution. La publication de Sidereus Nuncius, en 1610, posa un sérieux problème à Clavius et à ses collègues mathématiciens du Collegio Romano. Leur opinion sur les nouveaux phénomènes découverts par Galilée était recherchée par les catholiques du monde entier, mais Clavius et ses collègues ne disposaient pas d’instruments suffisamment performants pour les vérifier. Clavius était d’abord sceptique, mais à la fin de 1610, lui et d’autres mathématiciens du collège avaient confirmé l’existence des satellites de Jupiter et vu les phases de Vénus. En avril 1611, lors de la visite de Galilée à Rome, ils certifient que les phénomènes révélés par le télescope sont réels. Clavius est cependant très prudent dans son interprétation de plusieurs d’entre eux, notamment la signification de l’aspect rugueux de la Lune. Il travaillait à l’époque à l’édition de son commentaire sur la Sphère de Sacrobosco pour ses œuvres collectives. Ces Opera Mathematica parurent à Bamberg en 1611-12. Dans cette dernière édition de sa Sphère, Clavius mentionne brièvement les découvertes télescopiques de Galilée comme suit :
Je ne veux pas cacher au lecteur qu’il n’y a pas longtemps qu’un certain instrument a été apporté de Belgique. Il a la forme d’un long tube dans les bases duquel sont placés deux verres, ou plutôt des lentilles, par lesquelles les objets éloignés de nous paraissent beaucoup plus proches…. que ces objets ne le sont eux-mêmes. Cet instrument montre beaucoup plus d’étoiles dans le firmament qu’on ne peut en voir sans lui, surtout dans les Pléiades, autour des nébuleuses du Cancer et d’Orion, dans la Voie lactée et dans d’autres endroits. … et lorsque la Lune est un croissant ou à moitié pleine, elle apparaît si remarquablement fracturée et rugueuse que je ne peux m’étonner assez qu’il y ait une telle irrégularité dans le corps lunaire. Consultez le petit livre fiable de Galilée, imprimé à Venise en 1610 et intitulé Sidereus Nuncius, qui décrit diverses observations des étoiles faites pour la première fois par lui.
Loin d’être la moins importante des choses vues avec cet instrument, c’est que Vénus reçoit sa lumière du Soleil comme la Lune, de sorte que tantôt elle apparaît plus comme un croissant, tantôt moins, selon sa distance au Soleil. A Rome, j’ai observé cela, en présence d’autres personnes, plus d’une fois. Saturne est accompagnée de deux étoiles plus petites, l’une à l’est, l’autre à l’ouest. Enfin Jupiter a quatre étoiles errantes, qui varient leurs places d’une manière remarquable, tant entre elles que par rapport à Jupiter – comme Galilée le décrit avec soin et précision.
Puisque les choses sont ainsi, les astronomes devraient considérer comment les orbes célestes peuvent être arrangés afin de sauver ces phénomènes.
Les phases de Vénus rendaient intenable l’arrangement ptolémaïque des planètes. Comme Clavius le note prudemment ici, un arrangement alternatif devait être trouvé. On pouvait modifier le schéma de Ptolémée et faire en sorte que Mercure et Vénus tournent autour du Soleil tandis que le Soleil et tous les autres corps tournent autour de la Terre. Ce schéma avait déjà été proposé dans l’Antiquité, mais il n’avait jamais été accepté par le courant dominant de l’astronomie et de la cosmologie, car il supposait deux centres de rotation dans l’univers. Les satellites de Jupiter avaient maintenant montré que, quelle que soit la disposition préférée, il y avait plus d’un centre de rotation. Il y avait deux autres alternatives, les schémas de Tycho Brahe et de Copernic (voir Système copernicien). Pendant un certain temps, les astronomes jésuites ont hésité sur cette question, mais l’édit de 1616 a réglé la question pour eux et ces astronomes ont alors adopté le schéma de Tycho Brahe. Les philosophes et les théologiens suivirent plus lentement.
Lorsque Clavius écrivit le passage ci-dessus, il avait 73 ans, et sa santé l’obligeait à laisser le travail actif à ses jeunes collègues. Il est mort au début de l’année 1612.
Notes :
Il fallut attendre les années 1650 pour comprendre que les apparences étranges et lentement changeantes de Saturne étaient dues à un anneau entourant la planète. Voir Saturne.
C’est-à-dire, expliquer ces apparences. J’ai pris cette traduction de James M. Lattis, Between Copernicus and Galileo, pp.00-00.
Sources:La source anglaise la plus complète sur Clavius est James M. Lattis, BetweenCopernicus and Galileo : Christoph Clavius and the Collapse of Ptolemaic Astronomy (University of Chicago Press, 1994). Pour le rôle de Clavius dans la réforme grégorienne du calendrier et le contexte dans lequel il a travaillé à Rome, voir Ugo Baldini, « Christopher Clavius and the Scientific Scene in Rome » in G. V. Coyne, M. A. Hoskin, and O. Pedersen, eds, Gregorian Reform of the Calendar : Proceedings of the Vatican Conference to Commemorate its 400thAnniversary (Cité du Vatican : Académie pontificale des sciences, SpecoloVaticano, 1983). pp. 137-170. Voir également Nicholas Jardine, « The Forging ofModern Realism : Clavius and Kepler against the Skeptics, » Studies in Historyand Philosophy of Science 10(1979):141-173 ; Frederick A. Homann, « Christopher Clavius and the Renaissance of Euclidean Geometry, » ArchivumHistoricum Societatis Jesu 52 (1983):233-246.