C’est pendant un cours paramédical, il y a oh combien d’années, que je l’ai entendu pour la première fois : « Si vous n’arrivez pas à introduire le tube dans les 30 secondes, arrêtez la tentative et ventilez pendant un moment. »
Mes instructeurs l’ont paraphrasé en termes plus pratiques, nous recommandant de retenir notre respiration lorsque nous commencions une tentative d’intubation. « Le concept a été renforcé au cours d’innombrables stages de formation du NREMT, où nous faisions régulièrement échouer les candidats qui prenaient plus de 30 secondes pour une seule tentative d’intubation. Ces pauvres candidats faisaient la marche de la honte en revenant à la zone de routage pour prendre place à côté des autres candidats recalés qui avaient commis le péché impardonnable d’oublier de dire : » Je vais demander à mon partenaire professionnel d’hyperventiler le patient pendant que je prépare mon équipement. »
On m’a également appris qu’une canule nasale ne pouvait délivrer qu’un maximum de 44 % d’oxygène et que les masques non respiratoires pouvaient fournir plus de 95 % d’oxygène.
Il s’avère que rien de tout cela n’était vrai.
À l’époque, mes instructeurs ne passaient pas beaucoup de temps à s’attarder sur les gradients de concentration et la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine. Ce n’est que des années plus tard que j’ai appris que l’hyperventilation est une mauvaise chose et qu’un patient adéquatement préoxygéné met un certain temps à se désaturer. Si votre patient est correctement préoxygéné, vous avez beaucoup plus de chances de faire du mal en précipitant une tentative d’intubation pour qu’elle soit faite en moins de 30 secondes que de provoquer un état hypoxique.
En d’autres termes, vous pouvez vous permettre de prendre votre temps.
Les recommandations actuelles pour la préoxygénation avant l’ETI sont de donner au moins huit ventilations à volume courant complet de 100 % d’oxygène par BVM ou d’appliquer un masque non respiratoire à 15 lpm pendant quatre minutes. Ce masque non-rebreather, bien sûr, exige également que vous mainteniez un positionnement adéquat des voies aériennes pendant ce temps.
Gardez la tête du patient élevée de sorte que le méat auditif externe soit aligné avec l’encoche sternale. Son plan facial doit être parallèle au plafond et non incliné vers l’arrière.
Préoxygéné avec ces méthodes, un adulte en bonne santé mettra jusqu’à huit minutes pour se désaturer jusqu’à une spO2 inférieure à 90 %. Après cela, les choses se gâtent rapidement. Mais même en divisant ce chiffre par deux pour les obèses ou les personnes souffrant d’une pathologie pulmonaire chronique, vous avez encore des minutes pour fixer un tube, et non des secondes.
Pour autant, il existe un moyen de maintenir une oxygénation adéquate pendant une tentative d’ETI : L’oxygénation apnéique à l’aide d’une canule nasale, une idée épousée par le Dr Richard Levitan, gourou de la gestion des voies aériennes et professeur associé de médecine d’urgence au Jefferson Medical College. Comme l’a expliqué le Dr Levitan dans Emergency Physicians Monthly :
Alors que la perception commune est qu’un masque non respiratoire est le summum de l’administration d’oxygène, la FiO2 efficace de ces masques peut ne pas créer une pré-oxygénation optimale à des débits de 15 lpm. En effet, l’oxygène inspiré mesuré dans l’hypopharynx avec un masque sans recirculation à 15 lpm n’est que de 60-70%. Cela s’explique par le fait que les gaz expirés du patient se mélangent à l’oxygène appliqué, et aussi par l’accumulation des gaz expirés dans le nasopharynx. La respiration calme implique des débits allant jusqu’à 30 lpm ; la préoxygénation maximale avec un non-rebreather mal ajusté peut nécessiter un débit allant jusqu’à 48 lpm. Il a été démontré que l’oxygène nasal à haut débit permet de rincer le nasopharynx avec de l’oxygène, puis lorsque les patients inspirent, ils inhalent un pourcentage plus élevé d’oxygène inspiré.
Pour utiliser la procédure du Dr Levitan, il suffit d’ajouter une canule nasale à 15 lpm à votre préoxygénation avec BVM ou masque non-rebreather, et de la laisser fonctionner jusqu’à ce que vous fixiez un tube et repreniez la ventilation. Les canules nasales vous permettront d’atteindre des niveaux d’apport d’oxygène impossibles à obtenir avec le BVM ou le masque sans recirculation seuls, et elles fourniront un gradient de pression qui maintiendra les capillaires alvéolaires remplis d’oxygène aussi longtemps que vous aurez besoin de sécuriser les voies respiratoires. Dans les études, les chercheurs ont été en mesure de maintenir la saturation en oxygène des patients apnéiques à 98% jusqu’à 100 minutes.
Le seul inconvénient est qu’il nécessite une deuxième source d’oxygène, et oui, l’accumulation de CO2 est toujours une préoccupation, mais qui peut facilement être inversée une fois que vous avez sécurisé un moyen de ventiler le patient efficacement.
Essayez cela dans votre pratique clinique, et gagnez vous-même et vos patients un peu de temps supplémentaire pour faire entrer ce tube en douceur, de manière non-traumatique, dans la trachée lors du premier passage.
Pour en savoir plus sur l’oxygénation apnéique et les autres techniques visant à maximiser la préoxygénation, lisez ces deux excellents articles :
- NO DESAT (oxygène nasal pendant les efforts de sécurisation d’un tube)
- Préoxygénation, réoxygénation et intubation à séquence retardée dans le service des urgences
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