NÉ : 1910, Cérisole, France
DÉCÉDÉ : 1987, Lausanne, Suisse
NATIONALITÉ : française
GENRE : Pièces de théâtre
ŒUVRES MAJEURES :
Voyageur sans bagage (1937)
Carnaval des voleurs (1938)
Antigone (1942)
Invitation à la maison (1947)
La Valse des Toréadors (1952)
Le Nombril (1981)
Aperçu
Le dramaturge français Jean Anouilh était un artisan accompli. Considéré comme l’un des dramaturges français les plus importants et les plus influents du vingtième siècle, il avait une vie et une approche de la littérature qui étaient toutes deux loin d’être ordinaires. Alors que la plupart des auteurs dramatiques français des années 1930 et 1940 écrivaient non seulement pour la scène mais aussi de la poésie, des romans ou des essais, Anouilh se concentrait exclusivement sur l’écriture pour la scène. Parmi les autres traits distinctifs d’Anouilh, on peut citer ses affirmations selon lesquelles il était apolitique et le fait qu’il a rarement commenté formellement son travail. Ne se consacrant ni aux élaborations philosophiques ni à la théorisation de l’art dramatique, il s’acharnait plutôt sur la formulation exacte, les gestes et les situations de ses personnages.
Les œuvres dans leur contexte biographique et historique
L’appel du théâtre Jean Anouilh est né à Cérisole, près de Bordeaux, le 23 juin 1910. Son père, un
tailleur, et sa mère, violoniste dans un orchestre, lui ont sans doute transmis leur respect de l’artisanat et l’amour de l’art, qu’il a vraisemblablement adopté pendant les heures passées au théâtre avec sa mère. Anouilh a fait ses études primaires et secondaires à Paris, où il a ensuite étudié le droit pendant un an et demi. En 1929, il va travailler dans une agence de publicité, où il écrit des scénarios de publicité et de films comiques pendant deux ans.
Dès sa plus tendre enfance, Anouilh était fasciné par la scène. Il fréquentait les théâtres et écrivait des pièces à l’âge de douze ans. Après une période dans l’armée, il a travaillé comme secrétaire de l’acteur et réalisateur respecté Louis Jouvet. Il épouse Monelle Valentin, une actrice qui créera plus tard les rôles de nombreuses héroïnes d’Anouilh. Comme beaucoup de jeunes gens en mal de scène, il avait tendance à confondre la vie réelle et le théâtre, ce qui, dans ses premières pièces, l’a conduit à sacrifier la substance à la théâtralité. Sans se laisser décourager par le manque d’encouragement de Jouvet et par l’échec presque total de ses premières pièces, il s’obstine à vouloir consacrer sa vie au théâtre.
Avec le succès du Voyageur sans bagages (Traveler without Luggage) en 1937 – inspiré de l’histoire vraie d’un soldat français de la Première Guerre mondiale qui a souffert d’amnésie pendant le combat – la popularité d’Anouilh commence à croître régulièrement au cours des deux décennies suivantes, tant en France qu’à l’étranger. Profondément impressionné par les pièces de Jean Giraudoux et de Luigi Pirandello, qui rompent avec la tradition du théâtre réaliste, Anouilh reconnaît la valeur de la poésie, de l’illusion, de la fantaisie et de l’ironie comme moyen de dépeindre les vérités fondamentales de la vie humaine. Il était convaincu que l’essence du théâtre et sa qualité de faire-semblant reflètent la prétention et l’auto-illusion d’une personne, une conviction qui l’a conduit à exploiter l’artificialité du théâtre afin d’exposer la fausseté des motifs humains et les principes et sentiments prétendument les plus nobles.
Antigone et l’occupation nazie Au moment où Anouilh se fait un nom sur le théâtre français, les forces nazies d’Allemagne – sous le commandement d’Adolf Hitler – commencent à occuper les pays d’Europe occidentale, un événement qui mène directement à la Seconde Guerre mondiale. Les Français et les Anglais ont déclaré la guerre à l’Allemagne après que les forces nazies ont pris le contrôle de la Pologne en 1939 ; l’année suivante, les nazis ont avancé en France, battant l’armée française et prenant le contrôle de la majeure partie du pays. Une seule région de France, avec Vichy comme siège, est restée hors du contrôle allemand en raison d’un accord conclu par les Allemands et le gouvernement français ; beaucoup en France ont considéré cela comme une collaboration avec l’ennemi et ont refusé de soutenir le régime de Vichy.
Bien qu’Anouilh n’ait pas été un partisan déclaré de la Résistance française à l’occupation nazie, sa pièce Antigone (1942) est souvent considérée comme une allégorie de la situation en France à l’époque. La pièce a été jouée à Paris pendant l’occupation, et a donc été soumise à l’approbation et à la censure des responsables nazis. Les références délibérément vagues de la pièce – ainsi que le fait qu’elle soit inspirée d’une pièce grecque antique du même nom – sont probablement les raisons pour lesquelles la pièce a pu échapper à la censure nazie.
Adamant sur la solitude La préoccupation constante d’Anouilh pour la production technique de ses pièces l’a progressivement conduit au rôle de metteur en scène. A ce titre, il produisait, à côté de ses propres œuvres, des pièces conformes à ses vues, comme celles de Molière. Entièrement absorbé par le théâtre, il évite les contacts avec l’extérieur, préférant une vie privée retirée. Son premier mariage s’était terminé douloureusement pour lui après que Monelle eut entretenu plusieurs liaisons adultères, et ce n’est qu’en 1953 qu’il épousa Charlotte Chardon, une autre actrice.
L’un de ses enfants, Catherine, suivit également la voie du théâtre en tant qu’actrice, jouant dans plusieurs productions de son père. Elle écrira plus tard dans sa biographie de son père en termes sympathiques, le dépeignant comme un écrivain reclus, et un homme daltonien et myope qui ne s’est jamais trouvé beau. C’était aussi, écrit-elle, un père et un mari affectueux qui protégeait excessivement sa famille.
Travailleur assidu, Anouilh travaillait quotidiennement à son art selon un horaire rigide. Il était peu enclin à voyager loin de chez lui et demandait à sa famille d’effectuer les déplacements nécessaires en son nom. Catherine Anouilh écrit qu’au-delà de sa vie familiale et de son régime de travail, son père était un homme solitaire, à l’aise avec seulement quelques amis proches. Il était affligé d’une timidité morbide, en particulier avec les étrangers, qui l’amenait à paniquer en public. Même les amis les plus proches d’Anouilh connaissaient peu de choses de sa vie privée. Toujours soucieux de protéger sa vie privée et accordant rarement des interviews, le mystérieux dramaturge écrivait en 1946 dans une lettre adressée au critique belge Hubert Gignoux : « Je n’ai pas de biographie et j’en suis très heureux. Le reste de ma vie, aussi longtemps que Dieu le voudra, restera mon affaire personnelle, et je n’en dévoilerai pas les détails. »
Un pessimisme croissant Pourtant, les pièces d’Anouilh fournissent des indices importants sur sa vie et ses convictions les plus personnelles. Il a regroupé ses pièces en plusieurs catégories selon leur tonalité prédominante : roses, noires, brillantes, criardes, costumées ou baroques. Quelle que soit leur classification, les œuvres d’Anouilh offrent toutes une vision unifiée et profonde de la condition humaine. Ses héros caractéristiques sont essentiellement des rebelles, se révoltant au nom d’un idéal intérieur de pureté contre les compromis avec les exigences immorales de la famille, de la position sociale ou de leur passé. Pourtant, les efforts de ses premiers héros pour échapper à la réalité font place, dans la plupart des pièces ultérieures, à une profonde amertume causée par la prise de conscience qu’aucune échappatoire n’est possible.
CONTEMPORARAISONS LITtéRAIRES ET HISTORIQUES
Les célèbres contemporains d’Anouilh comprennent :
Albert Camus (1913-1960) : Connu surtout comme philosophe existentiel, mais également associé à la philosophie absurde mise en avant par Anouilh.
Omar Nelson Bradley (1893-1981) : Bradley était un commandant de l’armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale, dont le souci de ses hommes lui a valu la réputation de « général du soldat ».
Howard Hughes (1905-1976) : L’une des personnes les plus riches du monde, Hughes était, entre autres, un aviateur et un producteur de films américain dont la maladie mentale l’a conduit à devenir un reclus.
Alexander Fleming (1881-1955) : Biologiste écossais qui a partagé le prix Nobel de physiologie/médecine pour sa découverte de la pénicilline comme antibiotique.
Gloria Steinem (1934-) : Écrivaine et journaliste, Steinem est une icône du féminisme américain et des droits des femmes.
La seule évasion d’Anouilh était lorsqu’il passait du temps dans ses élégants appartements à Paris ou à Pully, en Suisse, près de Lausanne, où il est mort le 3 octobre 1987. Tout au long de sa longue carrière, son amour indéfectible de la scène s’est étendu aux musiciens de seconde zone et aux acteurs en difficulté, ainsi qu’aux personnes qui avaient sa sympathie et qui étaient souvent représentées dans ses pièces. Il a associé ces personnes à la détresse des masses, de l’époque de la Dépression à celle de la pauvreté d’après-guerre. Consterné par les excès de la société moderne et enclin au pessimisme quant à l’avenir, Anouilh avait insisté sur une vie privée où il pouvait vivre selon
son code personnel de valeurs morales et avait évité toute implication directe dans les controverses politiques de son époque. Anouilh étant à la fois enclin à laisser son art véhiculer ses idées et satisfait de céder sa voix aux acteurs afin de préserver sa vie privée, ses pièces sont elles-mêmes devenues le reflet de l’homme qui les a composées. Elles dépeignent l’héroïsme dans des circonstances difficiles, insistent sur les valeurs de solidarité et de courage et, surtout, mettent l’accent sur la liberté individuelle, même contre des obstacles impossibles à surmonter.
Les œuvres dans le contexte littéraire
Bien que, comme le soutient un chercheur, Anouilh ne puisse être rattaché à aucune école ou tendance particulière, et parce qu’il était si privé, les chercheurs ne peuvent que supposer qui ou quoi a inspiré Anouilh. Son père, qui a inculqué à son fils la fierté d’un travail artisanal consciencieux, l’a influencé très tôt. Il doit peut-être sa fibre artistique à sa mère, une violoniste qui complétait le maigre revenu de la famille en jouant l’été dans l’orchestre du casino de la station balnéaire voisine d’Arcachon. Alors que ses premières œuvres étaient des études réalistes et naturalistes d’un monde sordide et corrompu, Anouilh a ensuite adopté les vues existentialistes de Jean-Paul Sartre. Dans les méthodes théâtrales introduites par Louis Jouvet, Jean Giraudoux et Roger Vitrac, Anouilh a trouvé un nouvel angle pour son écriture. Le dramaturge italien Luigi Pirandello est un autre auteur dont le travail a contribué à façonner celui d’Anouilh.
La fine ligne entre la farce et le froncement de sourcils Anouilh laissait parfois le côté plus sombre et plus réfléchi de son drame en trouvant un équilibre entre la farce et le sérieux : Il a dit un jour que grâce à Molière, « le vrai théâtre français est le seul qui ne soit pas lugubre, dans lequel nous rions comme des hommes en guerre contre notre misère et notre horreur ». Cet humour est l’un des messages de la France au monde ». De la frivolité et de la fantaisie au sérieux, les pièces d’Anouilh utilisent l’artificialité du théâtre pour critiquer la situation difficile de l’homme – par exemple, le pouvoir corrupteur de l’argent, les incongruités de la société ou les subtilités de la déliquescence des liens familiaux. Parfois, il fait participer ses personnages à des jeux de rôles et leur fait subir la distance entre les classes sociales avant de leur permettre d’expérimenter le pouvoir de l’amour pour vaincre les apparences. Dans plusieurs pièces, la danse et la musique font partie intégrante de l’action. Il a soigneusement préparé la chorégraphie et les accompagnements musicaux de ces pièces afin de pouvoir les appeler des « ballets ». À l’exception des fins relativement roses de quelques-unes, ces œuvres ont des débuts légers, s’assombrissent progressivement et se terminent de façon lugubre.
Influence et impact En termes de style littéraire, Anouilh est difficile à catégoriser, car son œuvre présente des traces de toutes les grandes tendances artistiques françaises du XXe siècle. En raison de sa collaboration avec plusieurs des plus grands artistes français, la complexité de l’œuvre d’Anouilh n’est pas surprenante. Il n’est pas non plus surprenant de voir comment, après cinquante pièces en cinquante ans, Anouilh a une large sphère d’influence dans le passé et le présent du théâtre français.
Les œuvres dans le contexte critique
Alors qu’il a surmonté l’indécision et la peur du risque à travers son travail, Anouilh a pris les critiques de son travail personnellement et avec difficulté ; cependant, ses efforts ont été généralement bien reçus et considérés comme un succès. En outre, son œuvre s’est mieux comportée lorsqu’elle a été reprise.
Antigone (1942) Créée vers la fin de l’occupation allemande de la Seconde Guerre mondiale, la réinterprétation d’Anouilh d’Antigone a connu un grand succès car le public français s’est identifié à la résistance d’Antigone à son oncle Créon, le souverain de Thèbes. Dans une critique pour Horizon, Germaine Brée note avec perspicacité que l’essence des personnages d’Anouilh est une « fidélité au rôle que l’on est désigné à jouer, l’acceptation de soi dans un rôle donné quelle que soit son absurdité essentielle ». Le critique John Edmond Harvey saisit également le cœur du conflit : « L’héroïne comme le spectateur découvrent le véritable sens de leur rôle. Son destin n’est pas, comme chacun l’a toujours cru, de subordonner les obligations civiles à celles de la famille et de la religion. Créon laisse échapper quelques mots à la gloire du bonheur quotidien et tout est fini : Antigone s’en empare et, dans un élan de rhétorique, elle comprend soudain que son rôle est de refuser le compromis, de rejeter toute vie qui n’est pas parfaite. » Pour un public français à quelques mois de la libération, la sobriété d’Antigone accentue la tragédie de la négation d’Antigone.
Expérience humaine commune
Si le style d’Anouilh est difficile à catégoriser, ses thèmes sont généralement reconnaissables, car il a écrit sur ce qui affecte les humains au niveau le plus élémentaire : la division des classes, les questions d’argent, la mort. Voici quelques œuvres d’autres écrivains qui ont exploré des sujets similaires :
La Machine infernale (1936), de Jean Cocteau. Dans ce drame, le dramaturge transforme l’histoire classique d’Œdipe en tragi-comédie en utilisant l’ironie là où il n’y en avait pas à l’origine.
No Exit (1944), de Jean-Paul Sartre. Dans cette pièce existentielle bien connue, trois personnages sont escortés dans une pièce au sous-sol, où ils finissent par réaliser que « l’enfer, c’est les autres ».
Vrai Ouest (1980), de Sam Shepard. Les dynamiques familiales dysfonctionnelles sont jouées à fond dans ce drame sur fond de western.
Réponses à la littérature
- Dans Antigone, pourquoi pensez-vous qu’Anouilh écrit dans les instructions de mise en scène que la pièce doit être située « sans implications historiques ou géographiques » ? Comment cette absence d’environnement vous aide-t-elle ou vous nuit-elle lorsque vous lisez et imaginez le décor ?
- Imaginez que vous mettez en scène Antigone. Quels sentiments et quelles idées pourriez-vous évoquer avec des décors choisis ? Considérez un décor de campagne, un décor de château, une ruelle et une chambre à coucher. Quel décor choisiriez-vous pour transmettre le message de la pièce, et pourquoi ?
BIBLIOGRAPHIE
Livres
Amoia, Alba, et Della Marie Alba. Jean Anouilh. New York : Macmillan, 1985.
Archer, Marguerite. Jean Anouilh. New York : Columbia University Press, 1971.
Falb, Lewis W. Jean Anouilh. New York : Frederick Ungar, 1977.
Sites web
Livres et écrivains. Jean Anouilh (1910-1987). Extrait le 31 janvier 2008, de http://www.kirjasto.sci.fi/anouilh.htm
Découvrez la France. Jean Anouilh : Dramaturge français. Consulté le 31 janvier 2008, de http://www.discoverfrance.net/France/Theatre/Anouilh/anouilh.shtml
Doollee.com. Jean Anouilh (1910-1987). Consulté le 31 janvier 2008, à partir de http://www.doolee.com/PlaywrightsA/anouilh-jean.html
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