Agnieszka Kuczynska du Centre de coopération industrielle UE-Japon, détaille la croissance rapide actuelle de l’intelligence artificielle au Japon
La croissance rapide actuelle de l’intelligence artificielle (IA) est alimentée principalement par la redécouverte de l’apprentissage profond. Lorsqu’il a fait surface pour la première fois il y a 15 ans, le concept a été accueilli dans des conditions défavorables et largement abandonné dans la foulée. Aujourd’hui, l’apprentissage profond est de retour, les circonstances sont favorables et le domaine est florissant.
Le troisième boom décrit de l’IA artificielle et le resserrement de la concurrence technologique et économique qui s’en est suivi ont envoyé des ondes à travers divers aspects du domaine social, y compris l’élaboration des politiques. De nombreux pays ont commencé à travailler sur des stratégies nationales d’IA, y compris les leaders actuels – la Chine et les États-Unis – et le Japon a également suivi le mouvement.
Société 5.0.
Cependant, ce qui distingue le Japon des autres pays est un concept cohérent qui sous-tend toute la réglementation introduite – la vision de la Société 5.0. Cette nouvelle forme de société est saturée de technologies liées à l’IA, qui non seulement améliorent la vie de ses membres, mais créent également de nouveaux aspects et de nouvelles valeurs. Les besoins individuels sont satisfaits de manière opportune et proportionnée, ce qui permet de mener une vie épanouie et satisfaisante. Avec la société 5.0 comme résultat ciblé, la stratégie d’IA 2019 récemment mise à jour contient un large éventail d’actions nécessaires comprenant à la fois la facilitation du développement de l’IA et son utilisation pour le progrès de l’industrie et de la société.
La force de la stratégie réside dans l’accent mis sur l’application pratique de l’IA, les décideurs japonais ont correctement reconnu la polyvalence de l’IA et son potentiel à pénétrer et à transformer n’importe quel domaine donné, en l’employant pour améliorer et réduire les coûts de divers processus, exécuter des tâches au-delà des capacités humaines et obtenir des informations là où l’analyse par l’homme n’a pas atteint.
La stratégie vise non seulement à améliorer la situation au niveau national, en ciblant cinq domaines prioritaires désignés (fabrication, transport et logistique, santé et soins médicaux, agriculture et intervention en cas de catastrophe), mais aussi au niveau mondial – en aidant à résoudre des problèmes sociétaux majeurs comme le vieillissement de la société ou la pénurie de main-d’œuvre, la diversification des sources d’énergie, la réduction des GES ou la gestion plus efficace des déchets, ce qui s’inscrit parfaitement dans la réalisation des objectifs de développement durable. Selon la stratégie, les solutions développées au Japon seraient ensuite mises à la disposition du monde entier et si elles sont réalisées avec succès, cela pourrait bien être l’avantage dont le Japon a besoin pour l’emporter sur ses concurrents.
Pour autant, atteindre les objectifs mentionnés ci-dessus nécessite des efforts importants dans au moins trois domaines vitaux : R&D, les données et les ressources humaines.
À l’heure actuelle, le Japon, comme le reste du monde, se débat avec un manque de professionnels instruits capables de gérer les technologies liées à l’IA. Le soulagement à court terme pourrait être apporté en encourageant plus de femmes à participer au marché du travail et en attirant des ressources qualifiées de l’étranger. Dans une perspective à long terme, le Japon se prépare à une réforme majeure du système éducatif, en introduisant l’IA dans les programmes d’études et en la rendant obligatoire dans l’examen d’entrée à l’université, en créant un environnement propice à l’apprentissage pour les étudiants (infrastructure de réseau suffisante et accès aux dispositifs de communication) et en facilitant l’apprentissage tout au long de la vie pour la main-d’œuvre existante.
Données
Reconnaissant les données comme la condition sine qua non du développement de l’IA, le gouvernement japonais déploie des efforts considérables pour faciliter la circulation des données tout en maintenant leur qualité. Parmi les exemples notables, citons la loi fondamentale sur l’avancement de l’utilisation des données des secteurs public et privé et la loi sur la protection des informations personnelles. Il convient également de mentionner que toutes les applications pratiques de l’IA prévues dans la nouvelle stratégie en matière d’IA sont conçues comme des flux de données à double sens : d’une part, le déploiement de la technologie et des données dans le secteur industriel et, d’autre part, les données recueillies auprès des utilisateurs, qui alimentent le développement de l’IA. Pour organiser et structurer l’échange, le gouvernement japonais prévoit de construire une infrastructure de liaison de données.
Programmes de R&D
Enfin, beaucoup d’efforts sont également dirigés vers le domaine de la R&D, avec l’établissement d’un réseau de centres d’excellence comme première étape. Dans la recherche d’une innovation disruptive, le gouvernement japonais a initié de nombreux programmes de R&D, dont le dernier – Moonshot R&D – surprend positivement par son ampleur et son avant-gardisme et offre également de nombreuses opportunités de collaboration internationale pour les partenaires européens.
Japon et UE
Le Japon semble certainement déterminé à embrasser et à profiter du potentiel de l’IA pour transformer sa propre société et renforcer sa position mondiale. Il serait donc bénéfique pour les entreprises européennes de suivre de près les prochains mouvements du Japon, car les deux pays ont beaucoup en commun. Avec une approche commune de la technologie et des valeurs qui y sont liées (confirmée récemment par l’accueil par l’Union européenne (UE) des principes sociaux de l’IA centrée sur l’humain du Japon) et des rivaux communs, le Japon et l’UE sont des alliés naturels et il est grand temps de capitaliser sur le potentiel de coopération.
Pour plus d’informations sur la politique d’IA au Japon, voir le rapport « Analyse des opportunités pour les PME de l’UE dans l’économie des données et l’intelligence artificielle du Japon en lien avec la robotique » disponible sur le site du Centre de coopération industrielle UE-Japon.
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